LES ASSIS
Noirs de loupes, greles, les yeux cercles de bagues
Vertes, leurs doigts boulus crispes a leurs femurs,
Le sinciput plaque de hargnosites vagues
Comme les floraisons lepreuses des vieux murs,
Ils ont greffe dans des amours epileptiques
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs
De leurs chaises; leurs pieds aux barreaux rachitiques
S'entrelacent pour les matins et pour les soirs.
Noirs de loupes, greles, les yeux cercles de bagues
Vertes, leurs doigts boulus crispes a leurs femurs,
Le sinciput plaque de hargnosites vagues
Comme les floraisons lepreuses des vieux murs,
Ils ont greffe dans des amours epileptiques
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs
De leurs chaises; leurs pieds aux barreaux rachitiques
S'entrelacent pour les matins et pour les soirs.
Rimbaud - Poesie Completes
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
2 janvier 1870
VOYELLES
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu, voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes,
A, noir corset velu des mouches eclatantes
Qui bombillent autour des puanteurs cruelles,
Golfe d'ombre: E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lance des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles
I, pourpres, sang crache, rire des levres belles
Dans la colere ou les ivresses penitentes;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des patis semes d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux;
O, supreme Clairon plein de strideurs etranges,
Silences traverses des Mondes et des Anges:
--O l'Omega, rayon violet de Ses Yeux!
ORAISON DU SOIR
Je vis assis tel qu'un ange aux mains d'un barbier,
Empoignant une chope a fortes cannelures,
L'hypogastre et le col cambres, une Gambier
Aux dents, sous l'air gonfle d'impalpables voilures.
Tels que les excrements chauds d'un vieux colombier
Mille reves en moi font de douces brulures;
Puis par instants mon coeur triste est comme un aubier
Qu'ensanglante l'or jaune et sombre des coulures.
Puis quand j'ai ravale mes reves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille pour lacher l'acre besoin.
Doux comme le Seigneur du cedre et des hysopes,
Je pisse vers les cieux bruns tres haut et tres loin,
Avec l'assentiment des grands heliotropes.
LES ASSIS
Noirs de loupes, greles, les yeux cercles de bagues
Vertes, leurs doigts boulus crispes a leurs femurs,
Le sinciput plaque de hargnosites vagues
Comme les floraisons lepreuses des vieux murs,
Ils ont greffe dans des amours epileptiques
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs
De leurs chaises; leurs pieds aux barreaux rachitiques
S'entrelacent pour les matins et pour les soirs.
Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sieges,
Sentant les soleils vifs percaliser leur peaux,
Ou les yeux a la vitre ou se fanent les neiges,
Tremblant du tremblement douloureux des crapauds.
Et les Sieges leur ont des bontes; culottee
De brun, la paille cede aux angles de leurs reins.
L'ame des vieux soleils s'allume, emmaillotee
Dans ces tresses d'epis ou fermentaient les grains.
Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes,
Les dix doigts sous leur siege aux rumeurs de tambour
S'ecoutent clapoter des barcarolles tristes
Et leurs caboches vont dans des roulis d'amour.
Oh! ne les faites pas lever! C'est le naufrage.
Ils surgissent, grondant comme des chats giffles,
Ouvrant lentement leurs omoplates, o rage!
Tout leur pantalon bouffe a leurs reins boursoufles.
Et vous les ecoutez cognant leurs tetes chauves
Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors
Et leurs boutons d'habit sont des prunelles fauves
Qui vous accrochent l'oeil du fond des corridors.
Puis ils ont une main invisible qui tue;
Au retour, leur regard filtre ce venin noir
Qui charge l'oeil souffrant de la chienne battue,
Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir.
Assis, les poings crispes dans des manchettes sales,
Ils songent a ceux-la qui les ont fait lever,
Et de l'aurore au soir des grappes d'amygdales
Sous leurs mentons chetifs s'agitent a crever.
Quand l'austere sommeil a baisse leurs visieres
Ils revent sur leurs bras de sieges fecondes,
De vrais petits amours de chaises en lisieres
Sur lesquelles de fiers bureaux seront bordes.
Les fleurs d'encre, crachant des pollens en virgules,
Les bercent le long des calices accroupis,
Tels qu'au fil des glaieuls le vol des libellules,
--Et leur membre s'agace a des barbes d'epis!
LES EFFARES
Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s'allume,
Leurs culs en rond,
A genoux, cinq petits,--misere!
2 janvier 1870
VOYELLES
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu, voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes,
A, noir corset velu des mouches eclatantes
Qui bombillent autour des puanteurs cruelles,
Golfe d'ombre: E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lance des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles
I, pourpres, sang crache, rire des levres belles
Dans la colere ou les ivresses penitentes;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des patis semes d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux;
O, supreme Clairon plein de strideurs etranges,
Silences traverses des Mondes et des Anges:
--O l'Omega, rayon violet de Ses Yeux!
ORAISON DU SOIR
Je vis assis tel qu'un ange aux mains d'un barbier,
Empoignant une chope a fortes cannelures,
L'hypogastre et le col cambres, une Gambier
Aux dents, sous l'air gonfle d'impalpables voilures.
Tels que les excrements chauds d'un vieux colombier
Mille reves en moi font de douces brulures;
Puis par instants mon coeur triste est comme un aubier
Qu'ensanglante l'or jaune et sombre des coulures.
Puis quand j'ai ravale mes reves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille pour lacher l'acre besoin.
Doux comme le Seigneur du cedre et des hysopes,
Je pisse vers les cieux bruns tres haut et tres loin,
Avec l'assentiment des grands heliotropes.
LES ASSIS
Noirs de loupes, greles, les yeux cercles de bagues
Vertes, leurs doigts boulus crispes a leurs femurs,
Le sinciput plaque de hargnosites vagues
Comme les floraisons lepreuses des vieux murs,
Ils ont greffe dans des amours epileptiques
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs
De leurs chaises; leurs pieds aux barreaux rachitiques
S'entrelacent pour les matins et pour les soirs.
Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sieges,
Sentant les soleils vifs percaliser leur peaux,
Ou les yeux a la vitre ou se fanent les neiges,
Tremblant du tremblement douloureux des crapauds.
Et les Sieges leur ont des bontes; culottee
De brun, la paille cede aux angles de leurs reins.
L'ame des vieux soleils s'allume, emmaillotee
Dans ces tresses d'epis ou fermentaient les grains.
Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes,
Les dix doigts sous leur siege aux rumeurs de tambour
S'ecoutent clapoter des barcarolles tristes
Et leurs caboches vont dans des roulis d'amour.
Oh! ne les faites pas lever! C'est le naufrage.
Ils surgissent, grondant comme des chats giffles,
Ouvrant lentement leurs omoplates, o rage!
Tout leur pantalon bouffe a leurs reins boursoufles.
Et vous les ecoutez cognant leurs tetes chauves
Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors
Et leurs boutons d'habit sont des prunelles fauves
Qui vous accrochent l'oeil du fond des corridors.
Puis ils ont une main invisible qui tue;
Au retour, leur regard filtre ce venin noir
Qui charge l'oeil souffrant de la chienne battue,
Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir.
Assis, les poings crispes dans des manchettes sales,
Ils songent a ceux-la qui les ont fait lever,
Et de l'aurore au soir des grappes d'amygdales
Sous leurs mentons chetifs s'agitent a crever.
Quand l'austere sommeil a baisse leurs visieres
Ils revent sur leurs bras de sieges fecondes,
De vrais petits amours de chaises en lisieres
Sur lesquelles de fiers bureaux seront bordes.
Les fleurs d'encre, crachant des pollens en virgules,
Les bercent le long des calices accroupis,
Tels qu'au fil des glaieuls le vol des libellules,
--Et leur membre s'agace a des barbes d'epis!
LES EFFARES
Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s'allume,
Leurs culs en rond,
A genoux, cinq petits,--misere!
