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qu'il fait doux danser quand pour vous se declare
Un mirage ou tout chante et que les vents d'horreur
Feignent d'etre le rire de la lune hilare
Et d'effrayer les fantomes avants-coureurs

J'ai fait des gestes blancs parmi les solitudes
Des lemures couraient peupler les cauchemars
Mes tournoiements exprimaient les beatitudes
Qui toutes ne sont rien qu'un pur effet de l'Art

Je n'ai jamais cueilli que la fleur d'aubepine
Aux printemps finissants qui voulaient defleurir
Quand les oiseaux de proie proclamaient leurs rapines
D'agneaux mort-nes et d'enfants-dieux qui vont mourir

Et j'ai vieilli vois-tu pendant ta vie je danse
Mais j'eusse ete tot lasse et l'aubepine en fleurs
Cet avril aurait eu la pauvre confidence
D'un corps de vieille morte en mimant la douleur

Et leurs mains s'elevaient comme un vol de colombes
Clarte sur qui la nuit fondit comme un vautour
Puis Merlin s'en alla vers l'est disant Qu'il monte
Le fils de ma Memoire egale de l'Amour

Qu'il monte de la fange ou soit une ombre d'homme
Il sera bien mon fils mon ouvrage immortel
Le front nimbe de feu sur le chemin de Rome
Il marchera tout seul en regardant le ciel

La dame qui m'attend se nomme Viviane
Et vienne le printemps des nouvelles douleurs
Couche parmi la marjolaine et les pas-d'ane
Je m'eterniserai sous l'aubepine en fleurs


SALTIMBANQUES

A Louis Dumur

Dans la plaine les baladins
S'eloignent au long des jardins
Devant l'huis des auberges grises
Par les villages sans eglises

Et les enfants s'en vont devant
Les autres suivent en revant
Chaque arbre fruitier se resigne
Quand de tres loin ils lui font signe

Ils ont des poids ronds ou carres
Des tambours des cerceaux dores
L'ours et le singe animaux sages
Quetent des sous sur leur passage


LE LARRON

CHOEUR

Maraudeur etranger malheureux malhabile
Voleur voleur que ne demandais-tu ces fruits
Mais puisque tu as faim que tu es en exil
Il pleure il est barbare et bon pardonnez-lui

LARRON

Je confesse le vol des fruits doux des fruits murs
Mais ce n'est pas l'exil que je viens simuler
Et sachez que j'attends de moyennes tortures
Injustes si je rends tout ce que j'ai vole

VIEILLARD

Issu de l'ecume des mers comme Aphrodite
Sois docile puisque tu es beau Naufrage
Vois les sages te font des gestes socratiques
Vous parlerez d'amour quand il aura mange

CHOEUR

Maraudeur etranger           et malade
Ton pere fut un sphinx et ta mere une nuit
Qui charma de lueurs Zacinthe et les Cyclades
As-tu feint d'avoir faim quand tu volas les fruits

LARRON

Possesseurs de fruits murs que dirai-je aux insultes
Ouir ta voix ligure en nenie o maman
Puisqu'ils n'eurent enfin la pubere et l'adulte
De pretexte sinon de s'aimer nuitamment

Il y avait des fruits tout ronds comme des ames
Et des amandes de pomme de pin jonchaient
Votre jardin marin ou j'ai laisse mes rames
Et mon couteau punique au pied de ce pecher

Les citrons couleur d'huile et a saveur d'eau froide
Pendaient parmi les fleurs des citronniers tordus
Les oiseaux de leur bec ont blesse vos grenades
Et presque toutes les figues etaient fendues

L'ACTEUR

Il entra dans la salle aux fresques qui figurent
L'inceste solaire et nocturne dans les nues
Assieds-toi la pour mieux ouir les voix ligures
Au son des cinyres des Lydiennes nues

Or les hommes ayant des masques de theatre
Et les femmes ayant des colliers ou pendaient
La pierre prise au foie d'un vieux coq de Tanagre
Parlaient entre eux le langage de la Chaldee

Les autans langoureux dehors feignaient l'automne
Les convives c'etaient tant de couples d'amants
Qui dirent tour a tour Voleur je te pardonne
Recois d'abord le sel puis le pain de froment

Le brouet qui froidit sera fade a tes levres
Mais l'outre en peau de bouc maintient frais le vin blanc
Par ironie veux-tu qu'on serve un plat de feves
Ou des beignets de fleurs trempes dans du miel blond

Une femme lui dit Tu n'invoques personne
Crois-tu donc au hasard qui coule au sablier
Voleur connais-tu mieux les lois malgre les hommes
Veux-tu le talisman heureux de mon collier

Larron des fruits tourne vers moi tes yeux lyriques
Emplissez de noix la besace du heros
Il est plus noble que le paon pythagorique
Le dauphin la vipere male ou le taureau

Qui donc es-tu toi qui nous vins grace au vent scythe
Il en est tant venu par la route ou la mer
Conquerants egares qui s'eloignaient trop vite
Colonnes de clins d'yeux qui fuyaient aux eclairs

CHOEUR

Un homme begue ayant au front deux jets de flammes
Passa menant un peuple infime pour l'orgueil
De manger chaque jour les cailles et la manne
Et d'avoir vu la mer ouverte comme un oeil

Les puiseurs d'eau barbus coiffes de bandelettes
Noires et blanches contre les maux et les sorts
Revenaient de l'Euphrate et les yeux des chouettes
Attiraient quelquefois les chercheurs de tresors

Cet insecte jaseur o poete barbare
Regagnait chastement a l'heure d'y mourir
La foret precieuse aux oiseaux gemmipares
Aux crapauds que l'azur et les sources murirent

Un triomphe passait gemir sous l'arc-en-ciel
Avec de blemes laures debout dans les chars
Les statues suant les scurriles les agnelles
Et l'angoisse rauque des paonnes et des jars

Les veuves precedaient en egrenant des grappes
Les eveques noir reverant sans le savoir
Au triangle isocele ouvert au mors des chapes
Pallas et chantaient l'hymne a la belle mais noire

Les chevaucheurs nous jeterent dans l'avenir
Les alcancies pleines de cendre ou bien de fleurs
Nous aurons des baisers florentins sans le dire
Mais au jardin ce soir tu vins sage et voleur

Ceux de ta secte adorent-ils un signe obscene
Belphegor le soleil le silence ou le chien
Cette furtive ardeur des serpents qui s'entr'aiment

L'ACTEUR

Et le larron des fruits cria Je suis chretien

CHOEUR

Ah!