Ils ecoutent, pensifs, comme un
lointain
murmure.
Rimbaud - Poesie Completes
De la vie de
l'homme j'ai parle suffisamment. De son oeuvre je reparlerai peut-etre
encore.
Mon dernier mot ne peut-etre ici que ceci: Rimbaud fut un poete mort
jeune (a dix-huit ans, puisque ne a Charleville[--le 20] Octobre
1854--nous n'avons pas de vers de lui [posterieur] a 1872. ) mais vierge
de toute platitude ou decadence--comme il fut un homme mort jeune aussi
[(a trente] sept ans [le] 10 Novembre 1891 a l'hopital de la Conception
de Marseille), mais dans son voeu bien formule d'independance et de haut
dedain de n'importe quelle adhesion a ce qu'il ne lui plaisait pas de
faire ni d'etre.
Paul VERLAINE.
POESIES COMPLETES
DE CE LIVRE
IL A ETE TIRE
_25 exemplaires numerotes sur hollande. _
ARTHUR RIMBAUD
POESIES
COMPLETES
PARIS
LEON VANIER, LIBRAIRE-EDITEUR 19, QUAI SAINT-MICHEL, 19
1895
Tous droits reserves.
LES ETRENNES DES ORPHELlNS
I
La chambre est pleine d'ombre; on entend vaguement
De deux enfants le triste et doux chuchotement.
Leur front se penche, encor, alourdi par le reve,
Sous le long rideau blanc qui tremble et se souleve. . .
--Au dehors les oiseaux se rapprochent frileux;
Leur aile s'engourdit sous le ton gris des cieux;
Et la nouvelle annee, a la suite brumeuse,
Laissant trainer les plis de sa robe neigeuse,
Sourit avec des pleurs, et chante en grelottant. . .
II
Or les petits enfants, sous le rideau flottant,
Parlent bas comme on fait dans une nuit obscure.
Ils ecoutent, pensifs, comme un lointain murmure. . .
Ils tressaillent souvent a la claire voix d'or
Du timbre matinal, qui frappe et frappe encor
Son refrain metallique en son globe de verre. . .
--Puis, la chambre est glacee. . . on voit trainer a terre,
Epars autour des lits, des vetements de deuil:
L'apre bise d'hiver qui se lamente au seuil,
Souffle dans le logis son haleine morose!
On sent, dans tout cela, qu'il manque quelque chose. . .
--Il n'est donc point de mere a ces petits enfants,
De mere au frais sourire, aux regards triomphants?
Elle a donc oublie, le soir, seule et penchee,
D'exciter une flamme a la cendre arrachee,
D'amonceler sur eux la laine et l'edredon
Avant de les quitter en leur criant: pardon.
Elle n'a point prevu la froideur matinale,
Ni bien ferme le seuil a la bise hivernale?
l'homme j'ai parle suffisamment. De son oeuvre je reparlerai peut-etre
encore.
Mon dernier mot ne peut-etre ici que ceci: Rimbaud fut un poete mort
jeune (a dix-huit ans, puisque ne a Charleville[--le 20] Octobre
1854--nous n'avons pas de vers de lui [posterieur] a 1872. ) mais vierge
de toute platitude ou decadence--comme il fut un homme mort jeune aussi
[(a trente] sept ans [le] 10 Novembre 1891 a l'hopital de la Conception
de Marseille), mais dans son voeu bien formule d'independance et de haut
dedain de n'importe quelle adhesion a ce qu'il ne lui plaisait pas de
faire ni d'etre.
Paul VERLAINE.
POESIES COMPLETES
DE CE LIVRE
IL A ETE TIRE
_25 exemplaires numerotes sur hollande. _
ARTHUR RIMBAUD
POESIES
COMPLETES
PARIS
LEON VANIER, LIBRAIRE-EDITEUR 19, QUAI SAINT-MICHEL, 19
1895
Tous droits reserves.
LES ETRENNES DES ORPHELlNS
I
La chambre est pleine d'ombre; on entend vaguement
De deux enfants le triste et doux chuchotement.
Leur front se penche, encor, alourdi par le reve,
Sous le long rideau blanc qui tremble et se souleve. . .
--Au dehors les oiseaux se rapprochent frileux;
Leur aile s'engourdit sous le ton gris des cieux;
Et la nouvelle annee, a la suite brumeuse,
Laissant trainer les plis de sa robe neigeuse,
Sourit avec des pleurs, et chante en grelottant. . .
II
Or les petits enfants, sous le rideau flottant,
Parlent bas comme on fait dans une nuit obscure.
Ils ecoutent, pensifs, comme un lointain murmure. . .
Ils tressaillent souvent a la claire voix d'or
Du timbre matinal, qui frappe et frappe encor
Son refrain metallique en son globe de verre. . .
--Puis, la chambre est glacee. . . on voit trainer a terre,
Epars autour des lits, des vetements de deuil:
L'apre bise d'hiver qui se lamente au seuil,
Souffle dans le logis son haleine morose!
On sent, dans tout cela, qu'il manque quelque chose. . .
--Il n'est donc point de mere a ces petits enfants,
De mere au frais sourire, aux regards triomphants?
Elle a donc oublie, le soir, seule et penchee,
D'exciter une flamme a la cendre arrachee,
D'amonceler sur eux la laine et l'edredon
Avant de les quitter en leur criant: pardon.
Elle n'a point prevu la froideur matinale,
Ni bien ferme le seuil a la bise hivernale?