Je regrette les temps ou la seve du monde,
L'eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers!
L'eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers!
Rimbaud - Poesie Completes
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--Il reprit son marteau sur l'epaule.
La foule
Pres de cet homme-la se sentait l'ame soule,
Et, dans la grande cour, dans les appartements,
Ou Paris haletait avec des hurlements,
Un frisson secoua l'immense populace.
Alors, de sa main large et superbe de crasse
Bien que le roi ventru suat, le Forgeron,
Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front!
SOLEIL ET CHAIR
Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,
Verse l'amour brulant a la terre ravie,
Et, quand on est couche sur la vallee, on sent
Que la terre est nubile et deborde de sang;
Que son immense sein, souleve par une ame,
Est d'amour comme dieu, de chair comme la femme,
Et qu'il renferme, gros de seve et de rayons,
Le grand fourmillement de tous les embryons!
Et tout croit, et tout monte!
O Venus, o Deesse!
Je regrette les temps de l'antique jeunesse,
Des satyres lascifs, des faunes animaux,
Dieux qui mordaient d'amour l'ecorce des rameaux
Et dans les nenufars baisaient la Nymphe blonde!
Je regrette les temps ou la seve du monde,
L'eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers!
Ou le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chevre;
Ou, baisant mollement le clair syrinx, sa levre
Modulait sous le ciel le grand hymne d'amour;
Ou, debout sur la plaine, il entendait autour
Repondre a son appel la Nature vivante;
Ou, les arbres muets, bercant l'oiseau qui chante,
La terre bercant l'homme, et tout l'Ocean bleu
Et tous les animaux, aimaient, aimaient en Dieu!
Je regrette les temps de la grande Cybele
Qu'on disait parcourir, gigantesquement belle,
Sur un grand char d'airain, les splendides cites;
Son double sein versait dans les immensites
Le pur ruissellement de la vie infinie.
L'Homme sucait, heureux, sa mamelle benie,
Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux.
--Parce qu'il etait fort, l'Homme etait chaste et doux.
Misere! Maintenant il dit: Je sais les choses,
Et va, les yeux fermes et les oreilles closes;
--Et pourtant, plus de dieux! plus de dieux! l'Homme est Roi!
L'Homme est Dieu! Mais l'Amour, voila la grande Foi!
Oh! si l'homme puisait encore a ta mamelle,
Grande mere des dieux et des hommes, Cybele;
S'il n'avait pas laisse l'immortelle Astarte
Qui jadis, emergeant dans l'immense clarte
Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,
Montra son nombril rose ou vint neiger l'ecume,
Et fit chanter, Deesse aux grands yeux noirs vainqueurs,
Le rossignol aux bois et l'amour dans les coeurs!
II
Je crois en toi! Je crois en toi! Divine mere,
Aphrodite marine!
--Il reprit son marteau sur l'epaule.
La foule
Pres de cet homme-la se sentait l'ame soule,
Et, dans la grande cour, dans les appartements,
Ou Paris haletait avec des hurlements,
Un frisson secoua l'immense populace.
Alors, de sa main large et superbe de crasse
Bien que le roi ventru suat, le Forgeron,
Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front!
SOLEIL ET CHAIR
Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,
Verse l'amour brulant a la terre ravie,
Et, quand on est couche sur la vallee, on sent
Que la terre est nubile et deborde de sang;
Que son immense sein, souleve par une ame,
Est d'amour comme dieu, de chair comme la femme,
Et qu'il renferme, gros de seve et de rayons,
Le grand fourmillement de tous les embryons!
Et tout croit, et tout monte!
O Venus, o Deesse!
Je regrette les temps de l'antique jeunesse,
Des satyres lascifs, des faunes animaux,
Dieux qui mordaient d'amour l'ecorce des rameaux
Et dans les nenufars baisaient la Nymphe blonde!
Je regrette les temps ou la seve du monde,
L'eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers!
Ou le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chevre;
Ou, baisant mollement le clair syrinx, sa levre
Modulait sous le ciel le grand hymne d'amour;
Ou, debout sur la plaine, il entendait autour
Repondre a son appel la Nature vivante;
Ou, les arbres muets, bercant l'oiseau qui chante,
La terre bercant l'homme, et tout l'Ocean bleu
Et tous les animaux, aimaient, aimaient en Dieu!
Je regrette les temps de la grande Cybele
Qu'on disait parcourir, gigantesquement belle,
Sur un grand char d'airain, les splendides cites;
Son double sein versait dans les immensites
Le pur ruissellement de la vie infinie.
L'Homme sucait, heureux, sa mamelle benie,
Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux.
--Parce qu'il etait fort, l'Homme etait chaste et doux.
Misere! Maintenant il dit: Je sais les choses,
Et va, les yeux fermes et les oreilles closes;
--Et pourtant, plus de dieux! plus de dieux! l'Homme est Roi!
L'Homme est Dieu! Mais l'Amour, voila la grande Foi!
Oh! si l'homme puisait encore a ta mamelle,
Grande mere des dieux et des hommes, Cybele;
S'il n'avait pas laisse l'immortelle Astarte
Qui jadis, emergeant dans l'immense clarte
Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,
Montra son nombril rose ou vint neiger l'ecume,
Et fit chanter, Deesse aux grands yeux noirs vainqueurs,
Le rossignol aux bois et l'amour dans les coeurs!
II
Je crois en toi! Je crois en toi! Divine mere,
Aphrodite marine!