Quand, lave des odeurs du jour, le jardinet
Derriere la maison, en hiver s'illunait,
Gisant au pied d'un mur, enterre dans la marne
Et pour des visions ecrasant son oeil darne,
Il ecoutait grouiller les galeux espaliers.
Derriere la maison, en hiver s'illunait,
Gisant au pied d'un mur, enterre dans la marne
Et pour des visions ecrasant son oeil darne,
Il ecoutait grouiller les galeux espaliers.
Rimbaud - Poesie Completes
.
Vos omoplates se deboitent
O mes amours!
Une etoile a vos reins qui boitent
Tournez vos tours.
Est-ce pourtant pour ces eclanches
Que j'ai rime!
Je voudrais vous casser les hanches
D'avoir aime!
Fade amas d'etoiles ratees
Comblez les coins
--Vous creverez en Dieu, batees
D'ignobles soins!
Sous les lunes particulieres
Aux pialats ronds
Entrechoquez vos genouillieres,
Mes laiderons!
LES POETES DE SEPT ANS
_A M. P. Demeny. _
Et la Mere, fermant le livre du devoir,
S'en allait satisfaite et tres fiere sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d'eminence,
L'ame de son enfant livree aux repugnances.
Tout le jour il suait d'obeissance; tres
Intelligent; pourtant des tics noirs, quelques traits,
Semblaient prouver en lui d'acres hypocrisies.
Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
A l'aine, et dans ses yeux fermes voyait des points.
Une porte s'ouvrait sur le soir; a la lampe
On le voyait, la-haut qui ralait sur la rampe,
Sous un golfe de jour pendant du toit. L'ete
Surtout, vaincu, stupide, il etait entete
A se renfermer dans la fraicheur des latrines:
Il pensait la, tranquille et livrant ses narines.
Quand, lave des odeurs du jour, le jardinet
Derriere la maison, en hiver s'illunait,
Gisant au pied d'un mur, enterre dans la marne
Et pour des visions ecrasant son oeil darne,
Il ecoutait grouiller les galeux espaliers.
Pitie! Ces enfants seuls etaient ses familiers
Qui, chetifs, fronts nus, oeil deteignant sur la joue,
Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue,
Sous des habits puant la foire et tout vieillots,
Conversaient avec la douceur des idiots!
Et si, l'ayant surpris a des pities immondes,
Sa mere s'effrayait; les tendresses profondes
De l'enfant se jetaient sur cet etonnement.
C'etait bon. Elle avait le bleu regard,--qui ment!
A sept ans, il faisait des romans sur la vie
Du grand desert, ou luit la Liberte ravie,
Forets, soleils, rives, savanes! --Il s'aidait
De journaux illustres ou, rouge, il regardait
Des Espagnoles rire et des Italiennes.
Quand venait, l'oeil brun, folle, en robes d'indiennes,
--Huit ans,--la fille des ouvriers d'a cote,
La petite brutale, et qu'elle avait saute,
Dans un coin, sur son dos, en secouant ses tresses,
Et qu'il etait sous elle, il lui mordait les fesses,
Car elle ne portait jamais de pantalons;
--Et, par elle meurtri des poings et des talons
Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.
Il craignait les blafards dimanches de decembre,
Ou, pommade, sur un gueridon d'acajou,
Il lisait une Bible a la tranche vert-chou;
Des reves l'oppressaient chaque nuit dans l'alcove.
Il n'aimait pas Dieu; mais les hommes, qu'au soir fauve,
Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg
Ou les crieurs, en trois roulements de tambour
Font autour des edits rire et gronder les foules.
--Il revait la prairie amoureuse, ou des houles
Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or,
Font leur remuement calme et prennent leur essor!
Et comme il savourait surtout les sombres choses,
Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,
Haute et bleue, acrement prise d'humidite,
Il lisait son roman sans cesse medite,
Plein de lourds ciels ocreux et de forets noyees,
De fleurs de chair aux bois siderals deployees,
Vertige, ecroulements, deroutes et pitie!
--Tandis que se faisait la rumeur du quartier,
En bas,--seul, et couche sur des pieces de toile
Ecrue, et pressentant violemment le voile!
26 mai 1871.
[Note (Project Gutenberg).
Vos omoplates se deboitent
O mes amours!
Une etoile a vos reins qui boitent
Tournez vos tours.
Est-ce pourtant pour ces eclanches
Que j'ai rime!
Je voudrais vous casser les hanches
D'avoir aime!
Fade amas d'etoiles ratees
Comblez les coins
--Vous creverez en Dieu, batees
D'ignobles soins!
Sous les lunes particulieres
Aux pialats ronds
Entrechoquez vos genouillieres,
Mes laiderons!
LES POETES DE SEPT ANS
_A M. P. Demeny. _
Et la Mere, fermant le livre du devoir,
S'en allait satisfaite et tres fiere sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d'eminence,
L'ame de son enfant livree aux repugnances.
Tout le jour il suait d'obeissance; tres
Intelligent; pourtant des tics noirs, quelques traits,
Semblaient prouver en lui d'acres hypocrisies.
Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
A l'aine, et dans ses yeux fermes voyait des points.
Une porte s'ouvrait sur le soir; a la lampe
On le voyait, la-haut qui ralait sur la rampe,
Sous un golfe de jour pendant du toit. L'ete
Surtout, vaincu, stupide, il etait entete
A se renfermer dans la fraicheur des latrines:
Il pensait la, tranquille et livrant ses narines.
Quand, lave des odeurs du jour, le jardinet
Derriere la maison, en hiver s'illunait,
Gisant au pied d'un mur, enterre dans la marne
Et pour des visions ecrasant son oeil darne,
Il ecoutait grouiller les galeux espaliers.
Pitie! Ces enfants seuls etaient ses familiers
Qui, chetifs, fronts nus, oeil deteignant sur la joue,
Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue,
Sous des habits puant la foire et tout vieillots,
Conversaient avec la douceur des idiots!
Et si, l'ayant surpris a des pities immondes,
Sa mere s'effrayait; les tendresses profondes
De l'enfant se jetaient sur cet etonnement.
C'etait bon. Elle avait le bleu regard,--qui ment!
A sept ans, il faisait des romans sur la vie
Du grand desert, ou luit la Liberte ravie,
Forets, soleils, rives, savanes! --Il s'aidait
De journaux illustres ou, rouge, il regardait
Des Espagnoles rire et des Italiennes.
Quand venait, l'oeil brun, folle, en robes d'indiennes,
--Huit ans,--la fille des ouvriers d'a cote,
La petite brutale, et qu'elle avait saute,
Dans un coin, sur son dos, en secouant ses tresses,
Et qu'il etait sous elle, il lui mordait les fesses,
Car elle ne portait jamais de pantalons;
--Et, par elle meurtri des poings et des talons
Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.
Il craignait les blafards dimanches de decembre,
Ou, pommade, sur un gueridon d'acajou,
Il lisait une Bible a la tranche vert-chou;
Des reves l'oppressaient chaque nuit dans l'alcove.
Il n'aimait pas Dieu; mais les hommes, qu'au soir fauve,
Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg
Ou les crieurs, en trois roulements de tambour
Font autour des edits rire et gronder les foules.
--Il revait la prairie amoureuse, ou des houles
Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or,
Font leur remuement calme et prennent leur essor!
Et comme il savourait surtout les sombres choses,
Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,
Haute et bleue, acrement prise d'humidite,
Il lisait son roman sans cesse medite,
Plein de lourds ciels ocreux et de forets noyees,
De fleurs de chair aux bois siderals deployees,
Vertige, ecroulements, deroutes et pitie!
--Tandis que se faisait la rumeur du quartier,
En bas,--seul, et couche sur des pieces de toile
Ecrue, et pressentant violemment le voile!
26 mai 1871.
[Note (Project Gutenberg).