HYMNE
A la tres chere, a la tres belle
Qui remplit mon coeur de clarte,
A l'ange, a l'idole immortelle,
Salut en immortalite!
A la tres chere, a la tres belle
Qui remplit mon coeur de clarte,
A l'ange, a l'idole immortelle,
Salut en immortalite!
Baudelaire - Fleurs Du Mal
J'etais haut comme un in-folio.
Deux voix me parlaient. L'une, insidieuse et ferme,
Disait: << La Terre est un gateau plein de douceur;
Je puis (et ton plaisir serait alors sans terme! )
Te faire un appetit d'une egale grosseur. >>
Et l'autre: << Viens, oh! viens voyager dans les reves
Au dela du possible, au dela du connu! >>
Et celle-la chantait comme le vent des greves,
Fantome vagissant, on ne sait d'ou venu,
Qui caresse l'oreille et cependant l'effraie.
Je te repondis: << Oui! douce voix! >> C'est d'alors
Que date ce qu'on peut, helas! nommer ma plaie
Et ma fatalite. Derriere les decors
De l'existence immense, au plus noir de l'abime,
Je vois distinctement des mondes singuliers,
Et, de ma clairvoyance extatique victime,
Je traine des serpents qui mordent mes souliers.
Et c'est depuis ce temps que, pareil aux prophetes,
J'aime si tendrement le desert et la mer;
Que je ris dans les deuils et pleure dans les fetes,
Et trouve un gout suave au vin le plus amer;
Que je prends tres souvent les faits pour des mensonges
Et que, les yeux au ciel, je tombe dans des trous.
Mais la Voix me console et dit: << Garde des songes;
Les sages n'en ont pas d'aussi beaux que les fous! >>.
HYMNE
A la tres chere, a la tres belle
Qui remplit mon coeur de clarte,
A l'ange, a l'idole immortelle,
Salut en immortalite!
Elle se repand dans ma vie
Comme un air impregne de sel,
Et dans mon ame inassouvie,
Verse le gout de l'eternel.
Sachet toujours frais qui parfume
L'atmosphere d'un cher reduit,
Encensoir oublie qui fume
En secret a travers la nuit,
Comment, amour incorruptible,
T'exprimer avec verite?
Grain de musc qui gis, invisible,
Au fond de mon eternite!
A l'ange, a l'idole immortelle,
A la tres bonne, a la tres belle
Qui fait ma joie et ma sante,
Salut en immortalite!
LE REBELLE
Un Ange furieux fond du ciel comme un aigle,
Du mecreant saisit a plein poing les cheveux,
Et dit, le secouant: << Ta connaitras la regle!
(Car je suis ton bon Ange, entends-tu? ) Je le veux!
Sache qu'il faut aimer, sans faire la grimace,
Le pauvre, le mechant, le tortu, l'hebete,
Pour que tu puisses faire a Jesus, quand il passe,
Un tapis triomphal avec ta charite.
Tel est l'Amour! Avant que ton coeur ne se blase,
A la gloire de Dieu rallume ton extase;
C'est la Volupte vraie aux durables appas! >>
Et l'Ange, chatiant autant, ma foi! qu'il aime,
De ses poings de geant torture l'anatheme;
Mais le damne repond toujours; << Je ne veux pas! >>
LE JET D'EAU
Tes beaux yeux sont las, pauvre amante!
Reste longtemps sans les rouvrir,
Dans cette pose nonchalante
Ou t'a surprise le plaisir.
Dans la cour le jet d'eau qui jase
Et ne se tait ni nuit ni jour,
Entretient doucement l'extase
Ou ce soir m'a plonge l'amour.
Deux voix me parlaient. L'une, insidieuse et ferme,
Disait: << La Terre est un gateau plein de douceur;
Je puis (et ton plaisir serait alors sans terme! )
Te faire un appetit d'une egale grosseur. >>
Et l'autre: << Viens, oh! viens voyager dans les reves
Au dela du possible, au dela du connu! >>
Et celle-la chantait comme le vent des greves,
Fantome vagissant, on ne sait d'ou venu,
Qui caresse l'oreille et cependant l'effraie.
Je te repondis: << Oui! douce voix! >> C'est d'alors
Que date ce qu'on peut, helas! nommer ma plaie
Et ma fatalite. Derriere les decors
De l'existence immense, au plus noir de l'abime,
Je vois distinctement des mondes singuliers,
Et, de ma clairvoyance extatique victime,
Je traine des serpents qui mordent mes souliers.
Et c'est depuis ce temps que, pareil aux prophetes,
J'aime si tendrement le desert et la mer;
Que je ris dans les deuils et pleure dans les fetes,
Et trouve un gout suave au vin le plus amer;
Que je prends tres souvent les faits pour des mensonges
Et que, les yeux au ciel, je tombe dans des trous.
Mais la Voix me console et dit: << Garde des songes;
Les sages n'en ont pas d'aussi beaux que les fous! >>.
HYMNE
A la tres chere, a la tres belle
Qui remplit mon coeur de clarte,
A l'ange, a l'idole immortelle,
Salut en immortalite!
Elle se repand dans ma vie
Comme un air impregne de sel,
Et dans mon ame inassouvie,
Verse le gout de l'eternel.
Sachet toujours frais qui parfume
L'atmosphere d'un cher reduit,
Encensoir oublie qui fume
En secret a travers la nuit,
Comment, amour incorruptible,
T'exprimer avec verite?
Grain de musc qui gis, invisible,
Au fond de mon eternite!
A l'ange, a l'idole immortelle,
A la tres bonne, a la tres belle
Qui fait ma joie et ma sante,
Salut en immortalite!
LE REBELLE
Un Ange furieux fond du ciel comme un aigle,
Du mecreant saisit a plein poing les cheveux,
Et dit, le secouant: << Ta connaitras la regle!
(Car je suis ton bon Ange, entends-tu? ) Je le veux!
Sache qu'il faut aimer, sans faire la grimace,
Le pauvre, le mechant, le tortu, l'hebete,
Pour que tu puisses faire a Jesus, quand il passe,
Un tapis triomphal avec ta charite.
Tel est l'Amour! Avant que ton coeur ne se blase,
A la gloire de Dieu rallume ton extase;
C'est la Volupte vraie aux durables appas! >>
Et l'Ange, chatiant autant, ma foi! qu'il aime,
De ses poings de geant torture l'anatheme;
Mais le damne repond toujours; << Je ne veux pas! >>
LE JET D'EAU
Tes beaux yeux sont las, pauvre amante!
Reste longtemps sans les rouvrir,
Dans cette pose nonchalante
Ou t'a surprise le plaisir.
Dans la cour le jet d'eau qui jase
Et ne se tait ni nuit ni jour,
Entretient doucement l'extase
Ou ce soir m'a plonge l'amour.