Les parfums ne font pas
frissonner
sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille.
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille.
Rimbaud - Poesie Completes
.
.
--La blanche Selene laisse flotter son voile,
Craintive, sur les pieds du bel Endymion,
Et lui jette un baiser dans un pale rayon. . .
--La Source pleure au loin dans une longue extase. . .
C'est la Nymphe qui reve, un coude sur son vase,
Au beau jeune homme blanc que son onde a presse.
--Une brise d'amour dans la nuit a passe,
Et, dans les bois sacres, dans l'horreur des grands arbres,
Majestueusement debout, les sombres Marbres,
Les Dieux, au front desquels le Bouvreuil fait son nid,
--Les Dieux ecoutent l'Homme et le Monde infini!
7 mai 1870.
LE DORMEUR DU VAL
C'est un trou de verdure ou chante une riviere
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent; ou le soleil, de la montagne fiere,
Luit: c'est un petit aval qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tete nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort; il est etendu dans l'herbe, sous la nue,
Pale dans son lit vert ou la lumiere pleut.
Les pieds dans les glaieuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme:
Nature, berce-le chaudement: il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au cote droit.
7 octobre 1870.
AU CABARET-VERT
_Cinq heures du soir. _
Depuis huit jours, j'avais dechire mes bottines
Aux cailloux des chemins. J'entrais a Charleroi,
--_Au Cabaret-Vert_: je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fut a moitie froid.
Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table
Verte: je contemplai les sujets tres naifs
De la tapisserie. --Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tetons enormes, aux yeux vifs,
--Celle-la, ce n'est pas un baiser qui l'epeure! --
Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiede, dans un plat colorie,
Du jambon rose et blanc parfume d'une gousse
D'ail,--et m'emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un rayon de soleil arriere.
Octobre 1870.
LA MALINE
Dans la salle a manger brune, que parfumait
Une odeur de vernis et de fruits, a mon aise
Je ramassais un plat de je ne sais quel met
Belge, et je m'epatais dans mon immense chaise.
En mangeant, j'ecoutais l'horloge,--heureux et coi.
La cuisine s'ouvrit avec une bouffee
--Et la servante vint, je ne sais pas pourquoi,
Fichu moitie defait, malinement coiffee.
Et tout en promenant son petit doigt tremblant
Sur sa joue, un velours de peche rose et blanc,
En faisant, de sa levre enfantine, une moue,
Elle arrangeait les plats, pres de moi, pour m'aiser;
--Puis, comme ca,--bien sur pour avoir un baiser,--
Tout bas: <<Sens donc: j'ai pris une froid sur la joue. . .
--La blanche Selene laisse flotter son voile,
Craintive, sur les pieds du bel Endymion,
Et lui jette un baiser dans un pale rayon. . .
--La Source pleure au loin dans une longue extase. . .
C'est la Nymphe qui reve, un coude sur son vase,
Au beau jeune homme blanc que son onde a presse.
--Une brise d'amour dans la nuit a passe,
Et, dans les bois sacres, dans l'horreur des grands arbres,
Majestueusement debout, les sombres Marbres,
Les Dieux, au front desquels le Bouvreuil fait son nid,
--Les Dieux ecoutent l'Homme et le Monde infini!
7 mai 1870.
LE DORMEUR DU VAL
C'est un trou de verdure ou chante une riviere
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent; ou le soleil, de la montagne fiere,
Luit: c'est un petit aval qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tete nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort; il est etendu dans l'herbe, sous la nue,
Pale dans son lit vert ou la lumiere pleut.
Les pieds dans les glaieuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme:
Nature, berce-le chaudement: il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au cote droit.
7 octobre 1870.
AU CABARET-VERT
_Cinq heures du soir. _
Depuis huit jours, j'avais dechire mes bottines
Aux cailloux des chemins. J'entrais a Charleroi,
--_Au Cabaret-Vert_: je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fut a moitie froid.
Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table
Verte: je contemplai les sujets tres naifs
De la tapisserie. --Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tetons enormes, aux yeux vifs,
--Celle-la, ce n'est pas un baiser qui l'epeure! --
Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiede, dans un plat colorie,
Du jambon rose et blanc parfume d'une gousse
D'ail,--et m'emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un rayon de soleil arriere.
Octobre 1870.
LA MALINE
Dans la salle a manger brune, que parfumait
Une odeur de vernis et de fruits, a mon aise
Je ramassais un plat de je ne sais quel met
Belge, et je m'epatais dans mon immense chaise.
En mangeant, j'ecoutais l'horloge,--heureux et coi.
La cuisine s'ouvrit avec une bouffee
--Et la servante vint, je ne sais pas pourquoi,
Fichu moitie defait, malinement coiffee.
Et tout en promenant son petit doigt tremblant
Sur sa joue, un velours de peche rose et blanc,
En faisant, de sa levre enfantine, une moue,
Elle arrangeait les plats, pres de moi, pour m'aiser;
--Puis, comme ca,--bien sur pour avoir un baiser,--
Tout bas: <<Sens donc: j'ai pris une froid sur la joue. . .