Toi qui sais tout, grand roi des choses souterraines,
Guerisseur familier des angoisses humaines,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Guerisseur familier des angoisses humaines,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Baudelaire - Fleurs Du Mal
donnez-moi la force et le courage
De contempler mon coeur et mon corps sans degout!
REVOLTE
ABEL ET CAIN
I
Race d'Abel, dors, bois et mange:
Dieu le sourit complaisamment,
Race de Cain, dans la fange
Rampe et meurs miserablement.
Race d'Abel, ton sacrifice
Flatte le nez du Seraphin!
Race de Cain, ton supplice
Aura-t-il jamais une fin?
Race d'Abel, vois tes semailles
Et ton betail venir a bien;
Race de Cain, tes entrailles
Hurlent la faim comme un vieux chien.
Race d'Abel, chauffe ton ventre
A ton foyer patriarcal;
Race de Cain, dans ton antre
Tremble de froid, pauvre chacal!
Race d'Abel, aime et pullule:
Ton or fait aussi des petits;
Race de Cain, coeur qui brule,
Prends garde a ces grands appetits.
Race d'Abel, tu crois et broutes
Comme les punaises des bois!
Race de Cain, sur les routes
Traine ta famille aux abois.
II
Ah! race d'Abel, ta charogne
Engraissera le sol fumant!
Race de Cain, ta besogne
N'est pas faite suffisamment;
Race d'Abel, voici ta honte:
Le fer est vaincu par l'epieu!
Race de Cain, au ciel monte
Et sur la terre jette Dieu!
LES LITANIES DE SATAN
O toi, le plus savant et le plus beau des Anges,
Dieu trahi par le sort et prive de louanges,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
O Prince de l'exil, a qui l'on a fait tort,
Et qui, vaincu, toujours te redresses plus fort,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui sais tout, grand roi des choses souterraines,
Guerisseur familier des angoisses humaines,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui, meme aux lepreux, aux parias maudits,
Enseignes par l'amour le gout du Paradis,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
O toi, qui de la Mort, ta vieille et forte amante,
Engendras l'Esperance,--une folle charmante!
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui fais au proscrit ce regard calme et haut
Qui damne tout un peuple autour d'un echafaud,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui sais en quel coin des terres envieuses
Le Dieu jaloux cacha les pierres precieuses,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi dont l'oeil clair connait les profonds arsenaux
Ou dort enseveli le peuple des metaux,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi dont la large main cache les precipices
Au somnambule errant au bord des edifices,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui, magiquement, assouplis les vieux os
De l'ivrogne attarde foule par les chevaux,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui, pour consoler l'homme frele qui souffre,
Nous appris a meler le salpetre et le soufre.
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui poses ta marque, o complice subtil,
Sur le front du Cresus impitoyable et vil,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui mets dans les yeux et dans le coeur des filles
Le culte de la plaie et l'amour des guenilles,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Baton des exiles, lampe des inventeurs,
Confesseur des pendus et des conspirateurs,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Pere adoptif de ceux qu'en sa noire colere
Du Paradis terrestre a chasses Dieu le Pere,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
PRIERE
Gloire et louange a toi, Satan, dans les hauteurs
Du Ciel, ou tu regnas, et dans les profondeurs
De l'Enfer ou, vaincu, tu reves en silence!
De contempler mon coeur et mon corps sans degout!
REVOLTE
ABEL ET CAIN
I
Race d'Abel, dors, bois et mange:
Dieu le sourit complaisamment,
Race de Cain, dans la fange
Rampe et meurs miserablement.
Race d'Abel, ton sacrifice
Flatte le nez du Seraphin!
Race de Cain, ton supplice
Aura-t-il jamais une fin?
Race d'Abel, vois tes semailles
Et ton betail venir a bien;
Race de Cain, tes entrailles
Hurlent la faim comme un vieux chien.
Race d'Abel, chauffe ton ventre
A ton foyer patriarcal;
Race de Cain, dans ton antre
Tremble de froid, pauvre chacal!
Race d'Abel, aime et pullule:
Ton or fait aussi des petits;
Race de Cain, coeur qui brule,
Prends garde a ces grands appetits.
Race d'Abel, tu crois et broutes
Comme les punaises des bois!
Race de Cain, sur les routes
Traine ta famille aux abois.
II
Ah! race d'Abel, ta charogne
Engraissera le sol fumant!
Race de Cain, ta besogne
N'est pas faite suffisamment;
Race d'Abel, voici ta honte:
Le fer est vaincu par l'epieu!
Race de Cain, au ciel monte
Et sur la terre jette Dieu!
LES LITANIES DE SATAN
O toi, le plus savant et le plus beau des Anges,
Dieu trahi par le sort et prive de louanges,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
O Prince de l'exil, a qui l'on a fait tort,
Et qui, vaincu, toujours te redresses plus fort,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui sais tout, grand roi des choses souterraines,
Guerisseur familier des angoisses humaines,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui, meme aux lepreux, aux parias maudits,
Enseignes par l'amour le gout du Paradis,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
O toi, qui de la Mort, ta vieille et forte amante,
Engendras l'Esperance,--une folle charmante!
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui fais au proscrit ce regard calme et haut
Qui damne tout un peuple autour d'un echafaud,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui sais en quel coin des terres envieuses
Le Dieu jaloux cacha les pierres precieuses,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi dont l'oeil clair connait les profonds arsenaux
Ou dort enseveli le peuple des metaux,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi dont la large main cache les precipices
Au somnambule errant au bord des edifices,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui, magiquement, assouplis les vieux os
De l'ivrogne attarde foule par les chevaux,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui, pour consoler l'homme frele qui souffre,
Nous appris a meler le salpetre et le soufre.
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui poses ta marque, o complice subtil,
Sur le front du Cresus impitoyable et vil,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Toi qui mets dans les yeux et dans le coeur des filles
Le culte de la plaie et l'amour des guenilles,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Baton des exiles, lampe des inventeurs,
Confesseur des pendus et des conspirateurs,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
Pere adoptif de ceux qu'en sa noire colere
Du Paradis terrestre a chasses Dieu le Pere,
O Satan, prends pitie de ma longue misere!
PRIERE
Gloire et louange a toi, Satan, dans les hauteurs
Du Ciel, ou tu regnas, et dans les profondeurs
De l'Enfer ou, vaincu, tu reves en silence!