III
Puis la Vierge n'est plus que la Vierge du livre;
Les mystiques elans se cassent quelquefois,
Et vient la pauvrete des images que cuivre
L'ennui, l'enluminure atroce et les vieux bois.
Puis la Vierge n'est plus que la Vierge du livre;
Les mystiques elans se cassent quelquefois,
Et vient la pauvrete des images que cuivre
L'ennui, l'enluminure atroce et les vieux bois.
Rimbaud - Poesie Completes
--La nuit vient, noir pirate au ciel noir debarquant.
II
Le pretre a distingue, parmi les catechistes
Congreges des faubourgs ou des riches quartiers,
Cette petite fille inconnue, aux yeux tristes,
Front jaune. Ses parents semblent de doux portiers.
Au grand jour, la marquant parmi les catechistes,
Dieu fera, sur son front, neiger ses benitiers.
La veille du grand jour, l'enfant se fait malade
Mieux qu'a l'eglise haute aux funebres rumeurs.
D'abord le frisson vient, le lit n'etant pas fade,
Un frisson surhumain qui retourne: Je meurs. . .
Et, comme un vol d'amour fait a ses soeurs stupides,
Elle compte, abattue et les mains sur son coeur,
Ses Anges, ses Jesus et ses Vierges nitides,
Et, calmement, son ame a bu tout son vainqueur.
Adonai! . . . Dans les terminaisons latines
Des cieux moires de vert baignent les Fronts vermeils
Et taches du sang pur des celestes poitrines,
De grands linges neigeux tombent sur les soleils.
Pour ses virginites presentes et futures
Elle mord aux fraicheurs de ta Remission;
Mais plus que les lys d'eau, plus que les confitures
Tes pardons sont glaces, o Reine de Sion.
III
Puis la Vierge n'est plus que la Vierge du livre;
Les mystiques elans se cassent quelquefois,
Et vient la pauvrete des images que cuivre
L'ennui, l'enluminure atroce et les vieux bois.
Des curiosites vaguement impudiques
Epouvantent le reve aux chastes bleuites
Qui sont surpris autour des celestes tuniques
Du linge dont Jesus voile ses nudites.
Elle veut, elle veut pourtant, l'ame en detresse,
Le front dans l'oreiller creuse par les cris sourds,
Prolonger les eclairs supremes de tendresse
Et bave. . . --L'ombre emplit les maisons et les cours,
Et l'enfant ne peut plus. Elle s'agite et cambre
Les reins, et d'une main ouvre le rideau bleu
Pour amener un peu la fraicheur de la chambre
Sous le drap, vers son ventre et sa poitrine en feu.
IV
A son reveil,--minuit,--la fenetre etait blanche
Devant le soleil bleu des rideaux illunes;
La vision la prit des langueurs du Dimanche,
Elle avait reve rouge. Elle saigna du nez,
Et se sentant bien chaste et pleine de faiblesse,
Pour savourer en Dieu son amour revenant,
Elle eut soif de la nuit ou s'exalte et s'abaisse
Le coeur, sous l'oeil des cieux doux, en les devinant;
De la nuit, Vierge-Mere impalpable qui baigne
Tous les jeunes emois de ses silences gris;
Elle eut soif de la nuit forte ou le coeur qui saigne
Ecoute sans temoin sa revolte sans cris.
Et, faisant la victime et la petite epouse,
Son etoile la vit, une chandelle aux doigts,
Descendre dans la cour ou sechait une blouse,
Spectre blanc, et lever les spectres noirs des toits.
V
Elle passa sa nuit Sainte dans les latrines.
Vers la chandelle, aux trous du toit, coulait l'air blanc
Et quelque vigne folle aux noirceurs purpurines
En deca d'une cour voisine s'ecroulant.
La lucarne faisait un coeur de lueur vive
Dans la cour ou les cieux bas plaquaient d'ors vermeils
Les vitres; les paves puant l'eau de lessive
Souffraient l'ombre des toits bordes de noirs sommeils.
VI
Qui dira ces langueurs et ces pities immondes
Et ce qui lui viendra de haine, o sales fous,
Dont le travail divin deforme encor les mondes
Quand la lepre, a la fin, rongera ce corps doux,
Et quand, ayant rentre tous ces noeuds d'hysteries
Elle verra, sous les tristesses du bonheur,
L'amant rever au blanc million de Maries
Au matin de la nuit d'amour, avec douleur!
VII
Sais-tu que je t'ai fait mourir? J'ai pris ta bouche,
Ton coeur, tout ce qu'on a, tout ce que vous avez,
Et moi je suis malade.