Carjat lui-meme, par trop juge et partie, ni celui des
encore assez nombreux survivants d'une scene assurement peu glorieuse
pour Rimbaud, mais demesurement grossie et denaturee jusqu'a la plus
complete calomnie.
encore assez nombreux survivants d'une scene assurement peu glorieuse
pour Rimbaud, mais demesurement grossie et denaturee jusqu'a la plus
complete calomnie.
Rimbaud - Poesie Completes
_
On a tout dit, en une preface abominable que la Justice a chatiee,
d'ailleurs par la saisie, sur la requete d'un galant homme de qui la
signature avait ete escroquee, M. Rodolphe Darzens, on a dit tout le
mauvais sur Rimbaud, homme et poete.
Ce mauvais-la, il faut malheureusement, mais carrement, l'amalgamer avec
celui qu'a ecrit, pense sans nul doute, un homme de talent dans un
journal d'irreprochable tenue. Je veux parler de M. Charles Maurras et
en appeler de lui a lui mieux informe.
Je lis, par exemple, ceci de lui, M. Charles Maurras:
<<Au diner du Bon Bock>>, or il n'y avait pas alors, de _diner du Bon
Bock_ ou nous allassions, Valade, Merat, Silvestre, quelques autres
Parnassiens [et] moi, ni par consequent Rimbaud avec nous, mais bien un
diner mensuel des _Vilains Bonshommes_ [note illisible], fonde avant la
guerre et qu'avaient honore quelquefois Theodore de Banville et, de la
part de Sainte-Beuve, le secretaire de celui-ci, M. Jules Troubat. Au
moment dont il est question, fin 1871, nos <<assises>> se tenaient au
premier etage d'un marchand de vins etabli au coin de la rue Bonaparte
et de la place Saint-Sulpice, vis-a-vis d'un libraire d'occasion (rue
Bonaparte) et (rue du Vieux-Colombier) d'un negociant [en] objets
religieux. <<Au diner du Bon Bock, dit donc M. Maurras, ses reparties (a
Rimbaud) causaient de grands scandales. Ernest d'Hervilly le rappelait
en vain a la raison. CARJAT LE MIT A LA PORTE. Rimbaud attendit
_patiemment_ a la porte et Carjat recut a la sortie un <<bon>> (je retiens
<<bon>>) coup de canne a epee DANS LE VENTRE. >>
Je n'ai pas a invoquer le temoignage de d'Hervilly qui est un cher poete
et un cher ami, parce qu'il n'a jamais ete plus l'auteur d'une
intervention absurdement inutile que l'objet d'une insulte ignoble
publiee sans la plus simple pudeur, non plus que sans la moindre
conscience du faux ou du vrai dans la preface de l'edition Genonceaux;
ni celui de M.
Carjat lui-meme, par trop juge et partie, ni celui des
encore assez nombreux survivants d'une scene assurement peu glorieuse
pour Rimbaud, mais demesurement grossie et denaturee jusqu'a la plus
complete calomnie.
Voici donc un recit succinct, mais vrai jusque dans le moindre detail,
du <<drame>> en question: ce soir-la, aux _Vilains Bonshommes_, on avait
lu beaucoup de vers apres le dessert et le cafe. Beaucoup de vers, meme
a la fin d'un diner (plutot modeste), ce n'est pas toujours des moins
fatigants, particulierement quand ils sont un peu bien declamatoires
comme ceux dont _vraiment_ il s'agissait (et non du bon poete Jean
Aicard). Ces vers etaient d'un monsieur qui faisait beaucoup de sonnets
a l'epoque et de qui le nom m'echappe.
Et, sur le debut suivant, apres passablement d'autres choses d'autres
gens:
_On dirait des soldats d'Agrippa d'Aubigne
Alignes au cordeau par Philibert Delorme. . . _
Rimbaud eut le tort incontestable de protester d'abord entre haut et bas
contre la prolongation d'a la fin abusives recitations. Sur quoi M.
Etienne Carjat, le photographe poete de qui le recitateur etait l'ami
litteraire et artistique, s'interposa trop vite et trop vivement a mon
gre, traitant l'interrupteur de gamin. Rimbaud qui ne savait supporter
la boisson, et que l'on avait contracte dans ces <<agapes>> pourtant
moderees, la mauvaise habitude de gater au point de vue du vin et des
liqueurs,--Rimbaud qui se trouvait gris, prit mal la chose, se saisit
d'une canne a epee a moi qui etait derriere nous, voisins immediats et,
par-dessus la table large de pres de deux metres, dirigea vers M. Carjat
qui se trouvait en face ou tout comme, la lame degainee qui ne fit pas
heureusement de tres grands ravages, puisque le sympathique ex-directeur
du _Boulevard_ ne recut, si j'en crois ma memoire qui est excellente
dans ce cas, qu'une eraflure tres legere a une main.
Neanmoins l'alarme fut grande et la tentative tres regrettable, vite et
plus vite encore reprimee. J'arrachai la lame au furieux, la brisai sur
mon genou et confiai, devant rentrer de tres bonne heure chez moi, le
[<<gamin>>] a moitie degrise maintenant, au peintre bien connu, Michel de
l'Hay, alors deja un solide gaillard en outre d'un tout jeune homme des
plus remarquablement beaux qu'il soit donne de voir, qui eut tot fait de
reconduire a son domicile de la rue Campagne-Premiere, en le chapitrant
d'importance, notre jeune intoxique de qui l'acces de colere ne tarda
pas a se dissiper tout a fait, avec les fumees du vin et de l'alcool,
dans le sommeil reparateur de la seizieme annee.
Avant de <<lacher>> tout a fait M. Charles Maurras, je lui demanderai de
expliquer sur un malheureux membre de phrase de lui me concernant.
On a tout dit, en une preface abominable que la Justice a chatiee,
d'ailleurs par la saisie, sur la requete d'un galant homme de qui la
signature avait ete escroquee, M. Rodolphe Darzens, on a dit tout le
mauvais sur Rimbaud, homme et poete.
Ce mauvais-la, il faut malheureusement, mais carrement, l'amalgamer avec
celui qu'a ecrit, pense sans nul doute, un homme de talent dans un
journal d'irreprochable tenue. Je veux parler de M. Charles Maurras et
en appeler de lui a lui mieux informe.
Je lis, par exemple, ceci de lui, M. Charles Maurras:
<<Au diner du Bon Bock>>, or il n'y avait pas alors, de _diner du Bon
Bock_ ou nous allassions, Valade, Merat, Silvestre, quelques autres
Parnassiens [et] moi, ni par consequent Rimbaud avec nous, mais bien un
diner mensuel des _Vilains Bonshommes_ [note illisible], fonde avant la
guerre et qu'avaient honore quelquefois Theodore de Banville et, de la
part de Sainte-Beuve, le secretaire de celui-ci, M. Jules Troubat. Au
moment dont il est question, fin 1871, nos <<assises>> se tenaient au
premier etage d'un marchand de vins etabli au coin de la rue Bonaparte
et de la place Saint-Sulpice, vis-a-vis d'un libraire d'occasion (rue
Bonaparte) et (rue du Vieux-Colombier) d'un negociant [en] objets
religieux. <<Au diner du Bon Bock, dit donc M. Maurras, ses reparties (a
Rimbaud) causaient de grands scandales. Ernest d'Hervilly le rappelait
en vain a la raison. CARJAT LE MIT A LA PORTE. Rimbaud attendit
_patiemment_ a la porte et Carjat recut a la sortie un <<bon>> (je retiens
<<bon>>) coup de canne a epee DANS LE VENTRE. >>
Je n'ai pas a invoquer le temoignage de d'Hervilly qui est un cher poete
et un cher ami, parce qu'il n'a jamais ete plus l'auteur d'une
intervention absurdement inutile que l'objet d'une insulte ignoble
publiee sans la plus simple pudeur, non plus que sans la moindre
conscience du faux ou du vrai dans la preface de l'edition Genonceaux;
ni celui de M.
Carjat lui-meme, par trop juge et partie, ni celui des
encore assez nombreux survivants d'une scene assurement peu glorieuse
pour Rimbaud, mais demesurement grossie et denaturee jusqu'a la plus
complete calomnie.
Voici donc un recit succinct, mais vrai jusque dans le moindre detail,
du <<drame>> en question: ce soir-la, aux _Vilains Bonshommes_, on avait
lu beaucoup de vers apres le dessert et le cafe. Beaucoup de vers, meme
a la fin d'un diner (plutot modeste), ce n'est pas toujours des moins
fatigants, particulierement quand ils sont un peu bien declamatoires
comme ceux dont _vraiment_ il s'agissait (et non du bon poete Jean
Aicard). Ces vers etaient d'un monsieur qui faisait beaucoup de sonnets
a l'epoque et de qui le nom m'echappe.
Et, sur le debut suivant, apres passablement d'autres choses d'autres
gens:
_On dirait des soldats d'Agrippa d'Aubigne
Alignes au cordeau par Philibert Delorme. . . _
Rimbaud eut le tort incontestable de protester d'abord entre haut et bas
contre la prolongation d'a la fin abusives recitations. Sur quoi M.
Etienne Carjat, le photographe poete de qui le recitateur etait l'ami
litteraire et artistique, s'interposa trop vite et trop vivement a mon
gre, traitant l'interrupteur de gamin. Rimbaud qui ne savait supporter
la boisson, et que l'on avait contracte dans ces <<agapes>> pourtant
moderees, la mauvaise habitude de gater au point de vue du vin et des
liqueurs,--Rimbaud qui se trouvait gris, prit mal la chose, se saisit
d'une canne a epee a moi qui etait derriere nous, voisins immediats et,
par-dessus la table large de pres de deux metres, dirigea vers M. Carjat
qui se trouvait en face ou tout comme, la lame degainee qui ne fit pas
heureusement de tres grands ravages, puisque le sympathique ex-directeur
du _Boulevard_ ne recut, si j'en crois ma memoire qui est excellente
dans ce cas, qu'une eraflure tres legere a une main.
Neanmoins l'alarme fut grande et la tentative tres regrettable, vite et
plus vite encore reprimee. J'arrachai la lame au furieux, la brisai sur
mon genou et confiai, devant rentrer de tres bonne heure chez moi, le
[<<gamin>>] a moitie degrise maintenant, au peintre bien connu, Michel de
l'Hay, alors deja un solide gaillard en outre d'un tout jeune homme des
plus remarquablement beaux qu'il soit donne de voir, qui eut tot fait de
reconduire a son domicile de la rue Campagne-Premiere, en le chapitrant
d'importance, notre jeune intoxique de qui l'acces de colere ne tarda
pas a se dissiper tout a fait, avec les fumees du vin et de l'alcool,
dans le sommeil reparateur de la seizieme annee.
Avant de <<lacher>> tout a fait M. Charles Maurras, je lui demanderai de
expliquer sur un malheureux membre de phrase de lui me concernant.