Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jete par l'ouragan dans l'ether sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repeche la carcasse ivre d'eau,
Libre, fumant, monte de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poetes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur,
Qui courais tache de lunules electriques,
Plante folle, escorte des hippocampes noirs,
Quand les Juillets faisaient crouler a coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs,
Moi qui tremblais, sentant geindre a cinquante lieues
Le rut des Behemots et des Maelstroms epais,
Fileur eternel des immobilites bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets.
Jete par l'ouragan dans l'ether sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repeche la carcasse ivre d'eau,
Libre, fumant, monte de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poetes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur,
Qui courais tache de lunules electriques,
Plante folle, escorte des hippocampes noirs,
Quand les Juillets faisaient crouler a coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs,
Moi qui tremblais, sentant geindre a cinquante lieues
Le rut des Behemots et des Maelstroms epais,
Fileur eternel des immobilites bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets.
Rimbaud - Poesie Completes
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laisse descendre ou je voulais.
Dans les clapotements furieux des marees,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus! Et les Peninsules demarrees,
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempete a beni mes eveils maritimes.
Plus leger qu'un bouchon j'ai danse sur les flots
Qu'on appelle rouleurs eternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots.
Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures
L'eau verte penetra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
Et des lors je me suis baigne dans le poeme
De la mer, infuse d'astres et latescent,
Devorant les azurs verts ou, flottaison bleme
Et ravie, un noye pensif parfois descend,
Ou, teignant tout a coup les bleuites, delires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que vos lyres,
Fermentent les rousseurs ameres de l'amour.
Je sais les cieux crevant en eclairs, et les trombes,
Et les ressacs, et les courants, je sais le soir,
L'aube exaltee ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir.
J'ai vu le soleil bas tache d'horreurs mystiques
Illuminant de longs figements violets,
Pareils a des acteurs de drames tres antiques,
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets;
J'ai reve la nuit verte aux neiges eblouies,
Baisers montant aux yeux des mers avec lenteur,
La circulation des seves inouies
Et l'eveil jaune et bleu des phosphores chanteurs.
J'ai suivi des mois pleins, pareille aux vacheries
Hysteriques, la houle a l'assaut des recifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le muffle aux Oceans poussifs;
J'ai heurte, savez-vous? d'incroyables Florides,
Melant aux fleurs des yeux de pantheres, aux peaux
D'hommes, des arcs-en-ciel tendus comme des brides,
Sous l'horizon des mers, a de glauques troupeaux;
J'ai vu fermenter les marais enormes, nasses
Ou pourrit dans les joncs tout un Leviathan,
Des ecroulements d'eaux au milieu des bonaces
Et les lointains vers les gouffres cataractant!
Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises!
Echouages hideux au fond des golfes bruns
Ou les serpents geants devores des punaises
Choient des arbres tordus avec de noirs parfums!
J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants,
Des ecumes de fleurs ont beni mes derades
Et d'ineffables vents m'ont aile par instants.
Parfois, martyr lasse des poles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
Et je restais ainsi qu'une femme a genoux,
Presqu'ile ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds,
Et je voguais lorsqu'a travers mes liens freles
Des noyes descendaient dormir a reculons.
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jete par l'ouragan dans l'ether sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repeche la carcasse ivre d'eau,
Libre, fumant, monte de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poetes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur,
Qui courais tache de lunules electriques,
Plante folle, escorte des hippocampes noirs,
Quand les Juillets faisaient crouler a coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs,
Moi qui tremblais, sentant geindre a cinquante lieues
Le rut des Behemots et des Maelstroms epais,
Fileur eternel des immobilites bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets.
J'ai vu des archipels sideraux! Et des iles
Dont les cieux delirants sont ouverts au vogueur:
--Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, o future Vigueur?
Mais, vrai, j'ai trop pleure! Les aubes sont navrantes,
Toute lune est atroce et tout soleil amer.
L'acre amour m'a gonfle de torpeurs enivrantes.
Oh! que ma quille eclate! Oh! que j'aille a la mer!
Si je desire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide ou, vers le crepuscule embaume,
Un enfant accroupi, plein de tristesse, lache
Un bateau frele comme un papillon de mai.
Je ne puis plus, baigne de vos langueurs, o lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons!
LES PREMIERES COMMUNIONS
I
Vraiment, c'est bete, ces eglises de villages
Ou quinze laids marmots, encrassant les piliers,
Ecoutent, grasseyant les divins babillages,
Un noir grotesque dont fermentent les souliers.
Mais le soleil eveille, a travers les feuillages,
Les vieilles couleurs des vitraux ensoleilles,
La pierre sent toujours la terre maternelle,
Vous verrez des monceaux de ces cailloux terreux
Dans la campagne en rut qui fremit, solennelle,
Portant, pres des bles lourds, dans les sentiers sereux,
Ces arbrisseaux brules ou bleuit la prunelle,
Des noeuds de muriers noirs ou de rosiers furieux.
Tous les cent ans, on rend ces granges respectables
Par un badigeon d'eau bleue et de lait caille.
Si des mysticites grotesques sont notables
Pres de la Notre-Dame ou du saint empaille,
Des mouches sentant bon l'auberge et les etables
Se gorgent de cire au plancher ensoleille.