et je vais jusqu'aux bas;
Je reconstruis le corps, brule de belles fievres.
Je reconstruis le corps, brule de belles fievres.
Rimbaud - Poesie Completes
Tartufe etait nu du haut jusques en bas!
A LA MUSIQUE
_Place de la Gare, a Charleville. _
Sur la place taillee en mesquines pelouses,
Square ou tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu'etranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs betises jalouses.
Un orchestre guerrier, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres:
On voit, aux premiers rangs, parader le gandin,
Les notaires montrent leurs breloques a chiffres:
Des rentiers a lorgnons soulignent tous les couacs;
Les gros bureaux bouffis trainent leurs grosses dames,
Aupres desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de reclames;
Sur les bancs verts, des clubs d'epiciers retraites
Qui tisonnent le sable avec leur canne a pomme,
Fort serieusement discutent des traites,
Puis prisent en argent, mieux que monsieur Prud'homme!
Etalant sur un banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois bienheureux, a bedaine flamande,
Savoure, s'abimant en des reves divins,
La musique francaise et la pipe allemande!
Au bord des gazons frais ricanent les voyous;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Tres naifs, et fumant des roses, des pioupious
Caressent les bebes pour enjoler les bonnes. . .
--Moi, je suis, debraille comme un etudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes:
Elles le savent bien, et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscretes.
Je ne dis pas un mot: je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodes de meches folles;
Je suis, sous leur corsage et les freles atours,
Le dos divin apres la courbe des epaules. . .
Je cherche la bottine. . .
et je vais jusqu'aux bas;
Je reconstruis le corps, brule de belles fievres.
Elles me trouvent drole et se parlent tout bas. . .
--Et je sens les baisers qui me viennent aux levres. . .
LE FORGERON
_Palais des Tuileries, vers le 10 aout 92. _
Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant
D'ivresse et de grandeur, le front vaste, riant
Comme un clairon d'airain, avec toute sa bouche,
Et prenant ce gros-la dans son regard farouche,
Le Forgeron parlait a Louis Seize, un jour
Que le Peuple etait la, se tordant tout autour,
Et sur les lambris d'or trainant sa veste sale.
Or le bon roi, debout sur son ventre, etait pale,
Pale comme un vaincu qu'on prend pour le gibet,
Et, soumis comme un chien, jamais ne regimbait,
Car ce maraud de forge aux enormes epaules
Lui disait de vieux mots et des choses si droles,
Que cela l'empoignait au front, comme cela!
<<Or, tu sais bien, Monsieur, nous chantions tra la la
Et nous piquions les boeufs vers les sillons des autres:
Le Chanoine au soleil filait des patenotres
Sur des chapelets clairs grenes de pieces d'or.
Le Seigneur, a cheval, passait, sonnant du cor
Et l'un avec la hart, l'autre avec la cravache
Nous fouillaient. --Hebetes comme des yeux de vache,
Nos yeux ne pleuraient plus; nous allions, nous allions
Et quand nous avions mis le pays en sillons,
Quand nous avions laissee dans cette terre noire
Un peu de notre chair. . . nous avions un pourboire:
On nous faisait flamber nos taudis dans la nuit,
Nos petits y faisaient un gateau fort bien cuit.
A LA MUSIQUE
_Place de la Gare, a Charleville. _
Sur la place taillee en mesquines pelouses,
Square ou tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu'etranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs betises jalouses.
Un orchestre guerrier, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres:
On voit, aux premiers rangs, parader le gandin,
Les notaires montrent leurs breloques a chiffres:
Des rentiers a lorgnons soulignent tous les couacs;
Les gros bureaux bouffis trainent leurs grosses dames,
Aupres desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de reclames;
Sur les bancs verts, des clubs d'epiciers retraites
Qui tisonnent le sable avec leur canne a pomme,
Fort serieusement discutent des traites,
Puis prisent en argent, mieux que monsieur Prud'homme!
Etalant sur un banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois bienheureux, a bedaine flamande,
Savoure, s'abimant en des reves divins,
La musique francaise et la pipe allemande!
Au bord des gazons frais ricanent les voyous;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Tres naifs, et fumant des roses, des pioupious
Caressent les bebes pour enjoler les bonnes. . .
--Moi, je suis, debraille comme un etudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes:
Elles le savent bien, et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscretes.
Je ne dis pas un mot: je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodes de meches folles;
Je suis, sous leur corsage et les freles atours,
Le dos divin apres la courbe des epaules. . .
Je cherche la bottine. . .
et je vais jusqu'aux bas;
Je reconstruis le corps, brule de belles fievres.
Elles me trouvent drole et se parlent tout bas. . .
--Et je sens les baisers qui me viennent aux levres. . .
LE FORGERON
_Palais des Tuileries, vers le 10 aout 92. _
Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant
D'ivresse et de grandeur, le front vaste, riant
Comme un clairon d'airain, avec toute sa bouche,
Et prenant ce gros-la dans son regard farouche,
Le Forgeron parlait a Louis Seize, un jour
Que le Peuple etait la, se tordant tout autour,
Et sur les lambris d'or trainant sa veste sale.
Or le bon roi, debout sur son ventre, etait pale,
Pale comme un vaincu qu'on prend pour le gibet,
Et, soumis comme un chien, jamais ne regimbait,
Car ce maraud de forge aux enormes epaules
Lui disait de vieux mots et des choses si droles,
Que cela l'empoignait au front, comme cela!
<<Or, tu sais bien, Monsieur, nous chantions tra la la
Et nous piquions les boeufs vers les sillons des autres:
Le Chanoine au soleil filait des patenotres
Sur des chapelets clairs grenes de pieces d'or.
Le Seigneur, a cheval, passait, sonnant du cor
Et l'un avec la hart, l'autre avec la cravache
Nous fouillaient. --Hebetes comme des yeux de vache,
Nos yeux ne pleuraient plus; nous allions, nous allions
Et quand nous avions mis le pays en sillons,
Quand nous avions laissee dans cette terre noire
Un peu de notre chair. . . nous avions un pourboire:
On nous faisait flamber nos taudis dans la nuit,
Nos petits y faisaient un gateau fort bien cuit.